La Couleur
La Couleur
Sélectionner une oeuvre connue (peinture, sculpture, installation, photographie, bâtiment meuble, objet, paysage, etc.) que vous appréciez pour son harmonie colorée et sa force d’expression. Faites-en une analyse en vous aidant du plan suivant:
Comme pour tout document, une oeuvre s’étudie du plus général au plus particulier, c’est à dire:
-En introduction, présentez brièvement l’artiste puis l’oeuvre choisie (nom, date de création, dimensions, technique, contexte historique et géographique, sujet...)
-Puis, dans une première partie, analysez l’oeuvre de façon plastique et technique (composition, matières, techniques employées, etc.) en vous appuyant particulièrement sur les relations entre les couleurs.
-Dans une seconde partie, vous essayerez de traduire ce que le créateur a voulu exprimer à travers les significations attribuées aux choses, aux couleurs.
-Et pour finir, faites une brève conclusion.
devoir 2 réaliser une analyse d’oeuvre
2010
L’œuvre que j’ai choisi d’étudier ici est un tableau de Roy Lichtenstein (1923-1997), célèbre artiste du mouvement Pop Art américain. Ses œuvres s’inspirent fortement de la publicité et l’imagerie de son époque, ainsi que des comics (bandes dessinées). Il décrit son style comme étant « aussi artificiel que possible ».
Cette œuvre créée en 1965, s’intitule « The Melody Haunts My Reverie… » (La mélodie hante ma rêverie…). C’est une sérigraphie en jaune, bleu, rouge, blanc et noir de 69,9x51,4cm.
Elle représente une jeune femme blonde aux yeux bleus, aux lèvres soulignées de rouge, à l’air songeur. Son regard aux paupières légèrement tombantes suggère la rêverie, la mélancolie, la tristesse… Elle tient dans sa main droite un micro et fredonne une chanson ayant pour parole « The Melody Haunts My Reverie… », le texte est accompagné de notes de musique, il est écrit dans une bulle, comme dans une bande dessinée.
Le Pop Art (Art Populaire) étant un art « simple » et accessible par tous, Roy Lichtenstein a choisi d’utiliser la sérigraphie qui est une technique d’imprimerie industrielle et a choisi d’utiliser des couleurs vives dans son œuvre, Cet art a usé de techniques picturales qui n’étaient auparavant pas considérées comme proprement artistiques mais industrielles. En effet, le fait de multiplier et reproduire les œuvres en plusieurs exemplaires, heurte l’idée classique attribuant à l’œuvre sa valeur car elle n’est pas unique. Le Pop Art utilise des symboles populaires dans un but de désacralisation de l’œuvre d’art qui avant était plutôt réservée à une élite et qui ne couvrait que des sujets dits « importants ». Ici, ce sont les mass médias et plus spécifiquement la bande dessinée, qui sont le matériau même de l’art.
Pour réaliser cette œuvre Roy Lichtenstein a utilisé du « Magna », appellation commerciale d’une sorte de peinture acrylique. Apparue sur le marché après la seconde guerre mondiale, la peinture acrylique présente les avantages de sécher vite et de ne pas jaunir avec le temps. Le cadrage est serré et l’accent est mis sur le visage de la jeune femme, cadrage semblable à une prise de vue photographique. La photo se démocratise à cette époque, effectivement la jeune femme est prise de près, pas d’arrière plan, pas de décor, la chevelure est coupée, tel un zoom photographique. La chevelure de la demoiselle et le fond bleu sont déposés en aplats de couleur, rehaussés d’un cerne noir. Les autres couleurs, rouge (lèvres et peau), bleu (yeux), et noir (micro) ont été réalisés sous forme de petits points que l’artiste a déposé à l’aide d’un écran perforé. Cette grille comporte des trous d’intervalles réguliers à travers lesquels la peinture est appliquée à l’aide d’une brosse à dent. L’utilisation de ces points de couleur donne l’impression d’un relief qui contraste avec l’utilisation d’aplats. Aussi ces petits points évoquent l’imprimerie, grossissement des trames d’imprimerie, comme si l’image était pixélisée. Cette technique de petits points lui permettent de faire des mélanges optiques (Théorie de Chevreul), et s’insère dans la continuité du pointillisme et divisionnisme (Seurat, Signac du 19ieme siècle). Celle ci est abondamment utilisée dan les procédés de reproduction photomécanique (sérigraphie, imprimerie…). Se forme un équilibre neutre dans le cerveau, les surfaces colorées décomposées en petits points se fondent dans l’œil du spectateur.
Roy Lichtenstein a choisi d’utiliser la triade des couleurs primaires : le bleu, le jaune, et le rouge dans son tableau. Ces couleurs primaires (couleur en soi) sont utilisées pour l’impression colorée dans les procédés d’imprimerie. Expressif par la vivacité de ces couleurs, ce contraste exprime une force, un certain caractère puisque celles-ci ne résultent pas d’un mélange et ne portent pas en elles la moindre trace d’une autre couleur. Elles sont puissantes.
La couleur rouge est utilisée d’une part à travers la technique des petits points sur fond blanc et d’autre part sur fond rouge. On le retrouve sur le visage de la jeune femme et sur ses lèvres cernées de noir. Le rouge étant une couleur vive et forte qui attire le regard, le rouge des lèvres est mis en valeur, il donne l’impression de lèvres pulpeuses, car ici les petits points sont blancs sur fond rouge.
En ce qui concerne le jaune, qui est une couleur lumineuse, il est posé en aplat pour la chevelure blonde de la jeune femme, ce qui forme une sorte de halo lumineux et éclatant autour du visage.
Le bleu utilisé en aplat pour le fond est très foncé et profond. Au contraire ce même bleu utilisé avec la technique des petits points sur fond blanc pour les yeux de la jeune fille donne l’impression d’un regard à la fois vide et « pétillant ». Ainsi l’expression de son visage paraît vide, l’œuvre tire sa force expressive de la dualité des techniques choisies.
Le choix de Roy Lichtenstein de l’utilisation de couleurs primaires (bleu, jaune, rouge) n’est pas anodin, en effet ces couleurs vives sont chargées de significations et de connotations importantes et elles jouent un rôle primordial dans son œuvre. Le noir utilisé pour cerner la jeune femme sur fond bleu nuit exprime une certaine rigueur et accentue les traits. Une fois de plus, ce cerne fait référence à la bande dessinée, tout comme la bulle dans laquelle est inscrite les paroles de la chanson.
Vivant dans un monde de consommation, de production mécanisée et de reproductibilité technique, Roy Lichtenstein choisit d’utiliser et d’exploiter la couleur comme étant un instrument persuasif (comme dans la publicité ou la Bande Dessinée). Il y associe la symbolique des couleurs primaires, et les sensations ou les sentiments qu’elles peuvent inspirer, pour en faire un style à part entière et qui lui est propre. Contradictoire avec l’idée d’une œuvre qui apparaît comme un simple agrandissement d’une vignette de BD.
Ici la jeune femme fredonne une chanson de Nat King Cole « Stardust », peut être en hommage à l’artiste, mort la même année où cette œuvre a vu le jour. Nat King Cole était une icône, une star américaine de l’époque, il était l’un des plus grands crooners des années 50 et l’un des premiers noirs qui ait fait fortune dans la musique. En même temps naissait les fasts foods « Mc Donalds », les radios populaires et les disques usinés par millions (série). A travers cette jeune femme qui reprend ce standard de jazz américain Roy Lichtenstein a peut être voulu retranscrire le coté « pop »ulaire de son œuvre.
A travers le Pop Art, Roy Lichtenstein met en évidence l’influence que peuvent avoir la publicité, les magazines, les comics et la télévision sur nos décisions de consommateurs (produits de consommation, éphémères, jetables, bons marchés…) et revendique la possibilité pour l’artiste de puiser dans ces « produits » de la culture populaire comme matériau même de son art. Comme Andy Warhol, il voulait que ses tableaux aient l’air d’avoir été confectionnés par une machine, mais dans son for intérieur il demeurait peintre. Il peint en s’inspirant des effets produits par les techniques de l’imprimerie (procédé Ben-Day utilisé dans l’édition pour l’impression de planches couleurs) et les procédés publicitaires : en utilisant des aplats de couleurs primaires, « flashies » et la technique des petits points (pixels) pour donner du relief a son œuvre. Ces techniques deviendront un style caractéristique propre à Roy Lichtenstein.
The Melody Haunts My Reverie
Roy Lichtenstein
1965
14/20